Titre : Angus Powderhill
Tome : 2 (série en cours)
Scénario : Luc Brunschwig
Dessins : Vincent Bailly
Couleur : Isabelle Cochet
Editeur : Humanoïdes Associés
Parution : 2001/2003
Synopsis : Comme chaque année pour la saison blanche, Poly retourne sur les terres de Sarmen. Tous les ans, toutes les troupes de la province de Hurst viennent s’établir dans le comté pour y établir leur cirque, assurant à Sarmen sa
croissance économique alors que toutes les autres régions sont paralysées par
la neige.
Mais cette année, tout est différent. Poly, tout juste sortie de l’enfance et pas encore à l’aise avec les sentiments nouveaux qui troublent les adultes, va devoir affronter la méfiance et le mépris des habitants du comté. Les « âmes tordues » n’y sont plus les bienvenues
depuis qu’une terrible malédiction a touchée le comte et sa femme, leur donnant
un enfant monstrueux.
C’est dans ce contexte tendu que Poly va devoir évoluer, devant faire face aux désillusions de la fin de l’enfance et aux hostilités des habitants. Et si en plus de ça son destin amoureux se met à être cruel….
Avis : C’est le plus gros coup de cœur en matière de BD que j’ai eu depuis longtemps. J’avoue avoir très longtemps hésité avant de me lancer dans cette série.
Le dessin, et plus particulièrement la couverture du premier tome, me repoussait véritablement. J’ai eu beaucoup de mal à passer ce cap et si je l’ai fait ce n’était d’abord que pour découvrir le catalogue des Humanoïdes Associés sur qui je devais constituer un dossier. Mais finalement je n’ai absolument rien regretté.
Il est vrai que les dessins sont particuliers. Très loin d’être « beau », les dessins ne sont pas encrés et on retrouve dans la version finale la plupart des crayonnés de travail. Mais finalement, on s’habitue assez rapidement à ce style qu’on trouve d’abord étrange, bizarre, avant de le considéré comme atypique et intéressant. Il faut en tout cas féliciter le travail d’Isabelle Cochet car la couleur est une vrai merveille, elle sublime
totalement le dessin et donne une superbe ambiance à la série.
Si l’on devait parler d’Angus Powderhill en seulement quelques mots, je dirais que c’est l’anti-Tim Burton. Le génial réalisateur américain parvient, à la manière d’un Baudelaire, à faire émerger toute la poésie et la beauté des univers et des objets les plus sombres et horrifiques. Ici, c’est totalement l’inverse. On nous montre un monde qu’on croirait tout droit sorti d’un conte de fées, dans des tons très pastel, mettant en scène une très jeune héroïne naïve et joyeuse dans l’univers magique du cirque. Mais très vite, on décèle toutes les failles de cette vision idyllique. Ce monde nous est finalement présenté comme dévoré de l’intérieur par la corruption, en son sens le plus fort de perversion, un monde totalement pourri, rongé par les pulsions ignobles. Cette opposition entre une ambiance malsaine et des dessins qui relèvent du conte pour enfant est totalement incarné par le personnage de Poly. Tout juste sortie de l’enfance, elle découvre progressivement et avec horreur toute la complexité et les travers du monde où le sexe est plus fort que les sentiments,
où l’argent fait tout, où la simple différence physique peut justifier la haine.
Les thématiques abordés sont en effet à la fois très originales et superbement bien amenées. Pour une fois ce ne sont pas les méchants qui sont difformes, les fameuses « âmes tordues » dont Poly fait partie sont en effet des êtres en apparence monstrueux, originaux, atteints de malformations de naissances, qui sont rejetées par la population et seulement acceptés dans les strictes limites du cirque. Mais l’auteur les présente d’une manière très intelligente, il n’y a aucune condescendance. Ainsi, on met par exemple plusieurs pages avant de s’apercevoir que la jeune héroïne ne possède pas de jambes.
Le thème de l’enfance est lui aussi particulièrement bien
menée, loin des clichés, on voit évoluer Poly au rythme de ses désillusions.
Le scénario à proprement parler pour finir est très prenant.
Les rebondissements, les révélations et énigmes sont savamment dosées ; les personnages ont une vraie profondeur et on remet vite en question leur catégorisation manichéenne. On passe d’éléments purement fantaisistes à des intrigues politiques.
Bref, la lecture est vraiment très agréable et vivement le tome 3 !
Attention chef d’œuvre ;)